Les Canots Tremblay, histoire des constructeurs de canots en toile du Lac-St-Jean

C’est un canot de cèdre de fabrication traditionnelle. Varangues pliées à la vapeur, sièges en babiche, barreau central droit. Un canot comme dans le temps des nomades et des prospecteurs. Un « canot de toile » – le petit frère du canot d’écorce –. Un peu moins légendaire, mais un peu plus accessible. Il est à vendre, à Saint-Félicien au Lac-Saint-Jean. Considérant le temps et l’expertise nécessaires pour fabriquer un truc comme ça, le prix est très raisonnable. Je le sais : je rêve d’en construire un depuis des années. La propriétaire constate mon enthousiasme et me parle de son père, qui était un vrai coureur de bois, toujours à la chasse, à la pêche. Son canot représentait beaucoup pour lui.

La transaction conclue, on se rend illico à un endroit tout près où je peux le mettre à l’eau. Les passants s’arrêtent : « C’est un canot Tremblay, ça! » Peu à peu, un groupe se forme, animé par une discussion qui déborde sur l’histoire de Saint-Félicien, sur des souvenirs familiaux entrecroisés. Un mélange de nostalgie et de fierté. Je comprends qu’une enquête s’impose.

J'ai retrouvé cinq anciens artisans des Canots Tremblay : Roger Jacques, Yvon Tremblay, Rodrigue Pelchat, Harold Boivin et Magloire Tremblay; j'ai fouillé les vieux journaux, les registres paroissiaux; j'ai étudié la colonisation du Saguenay et du lac Saint-Jean, le développement industriel à Roberval et à Saint-Félicien, les techniques de construction de canots. Je pensais écrire un article sur une pratique artisanale mais j’ai été happé par un récit bien plus vaste.